Pierre Gilbert
Certaines espèces de champignons communiqueraient entre eux via une cinquantaine de « mots ». Une découverte passionnante qui ouvre encore de belles perspectives !
On sait que le mycélium, les petits filaments du champignon, connecte les plantes et leur permet de se nourrir. Les plantes leur transmettent jusqu’à 20-25% de leurs sucres issus de la photosynthèse. En échange, le champignon leur transmet des minéraux (phosphore, potassium, magnésium, etc.) qu’il extrait des roches du sol grâce à des enzymes spéciales.
Ça on le savait, alors allons un peu plus loin :
On sait depuis plus récemment que le mycélium régule la pression osmotique de la plante. Autrement dit, il régule l’eau qui pénètre et sort des racines de la plante pour la maintenir en forme. Il « distribue » équitablement l’humidité dans le sol, ce qui est essentiel à tout le cycle de l’eau.
Déjà moins connu, et précieux par ces temps de sécheresse. Allez, on continue !
Les hyphes du champignon – les petits filaments – pénètrent entre les cellules des racines de la plante pour opérer tous ces échanges. Ce faisant, cette intrusion booste le système immunitaire de la plante, qui reste sur le qui-vive.
Mais ces hyphes ont d’autres secrets.
Le champignon agit toujours selon la loi du rendement : il construit des hyphes là où il y a nourriture, et laisse dépérir celles qui ont épuisé leur filon. Ces tubes de chitines qui dépérissent enrichissent le sol en carbone sur le long terme, ce qui est bon pour le climat.
Jusqu’à présent, on comprenait mal comment le champignon optimisait constamment l’orientation de ses hyphes, en temps réel. Et on le comprend toujours mal, mais une équipe de l’Université de Bristol a mené des tests des plus fascinants.
Elle a découvert que les champignons produisent des pics de potentiel électrique entre les différentes parties de leur mycélium, comme entre les neurones de notre cerveau. Des pics non aléatoires et qui suivent une fréquence précise.
Imaginez un système de morse par petits coups de jus.
Ce schéma électrique varie selon la stimulation mécanique, chimique et optique du champignon, suggérant que ces structures sont capables de transmettre des informations, certainement du type « danger », « nourriture », etc.
« Nous avons constaté que la taille du lexique fongique peut aller jusqu’à 50 mots ; cependant, le lexique de base des mots les plus fréquemment utilisés ne dépasse pas 15 à 20 mots », explique Andrew Adamatzky qui coordonne les travaux sur 4 espèces pour l’instant, dont ce Cordyceps militaris, sur la photo.
Ce qu’on ignore pour l’instant, c’est le degré de complexité de ce langage.
On sait par ailleurs que le mycélium réagit à la musique. Il y a peut-être un lien à faire avec les nombreux rites païens anciens liés à la fertilité des sols, et fondés sur les chants, la danse et les instruments. Peut-être nos ancêtres celtes avaient-ils observé empiriquement un effet sur la vitalité des plantes, liée à la vitalité des champignons ?
L’étude source de l’université de Bristol
=> https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.211926